Pourquoi ne faut-il pas couper les incisives de vos lapins et rongeurs à la pince ? Quelles sont les causes des malocclusions des incisives et quelles sont les recommandations internationales ?
La réponse ici !
La malocclusion des incisives
Les incisives sont les seules dents observables par le propriétaire à la maison, ainsi il est fréquent que nous soyons consultés pour des anormalités de leur pousse. Certains animaux ont des malocclusions impressionnantes, donnant aux incisives un aspect de défenses (et parfois un petit surnom affectueux de "lapin-mouth"). Cela constitue un réel handicap pour eux lorsque ces dents empêchent l'animal de manger ou le blessent au niveau du palais ou des joues.
Chez le lapin, les malocclusions dentaires génétiques sont fréquentes, notamment avec la sélection d'individus au crâne de plus en plus rond comme les adorables mini-lop. Cependant, cette forme de crâne, aussi mignonne soit-elle, s'apparente aux chiens brachycéphales comme le bouledogue. Il est largement connu que de nombreux bouledogues présentent des malocclusions dentaires, et c'est le même phénomène chez le lapin. Les lapins brachycéphales sont nombreux à être prognathes. Cela pose un réel problème, car les incisives sont des dents à pousse continue. Ainsi, les incisives qui s'affrontent mal ne s'usent pas et poussent logiquement de travers !
C'est le cas pour de nombreuses espèces de Nouveaux Animaux de Compagnie. En effet, si les molaires et prémolaires ne sont pas à pousse continue chez tout le monde (voir mon article "Faut-il limer les dents de mon NAC ?"), les incisives poussent durant toute la vie de l'animal chez les rats, les souris, les gerbilles, les hamsters, les octodons, les chinchillas, les lapins et les cochons d'Inde ! La pousse dentaire est estimée à 2 mm par semaine chez le lapin. C'est donc en 3 à 4 semaines que l'animal peut être amené à être de nouveau gêné après une coupe d'incisive !
Chez le cobaye, la malocclusion des incisives est souvent secondaire à une malocclusion des prémolaires et molaires. Ainsi, si vous consultez pour une malocclusion des incisives et que l'examen clinique ne révèle rien sur les molaires, une observation dentaire sous anesthésie par un spécialiste est fortement recommandée (voir mon article sur les bilans dentaires) ! Un lien existe également avec les otites moyennes, qui peuvent causer un décalage de la mandibule et ainsi un défaut d'usure car les molaires ne s'affrontent plus normalement.
Chez les petits rongeurs, la malocclusion des incisives est le plus souvent traumatique, lorsque vos petits protégés machônnent les barreaux de leur cage ou chutent. Les maladies parodontales sont plus rares.
Couper à la pince, c'est non !
Beaucoup de propriétaires coupent encore les dents de leur animal de compagnie. La raison est simple à comprendre, puisqu'une coupe chez le vétérinaire toutes les 3-4 semaines est contraignante. Malheureusement, la coupe à la pince présente des risques à long terme qui s'expliquent par ce qui se passe mécaniquement lors de la coupe.
En effet, lors d'une coupe à la pince, les forces exercées sont importantes, ce qui écrase la dent, la fracture, ou la tord. A long terme, les conséquences peuvent être une aggravation de la malocclusion, un abcès dentaire, une ostéomyélite (infection de l'os de la mâchoire)... L'article de mon confrère le Dr Duhamel vous explique en détail ce processus :
Quelles sont les solutions ?
Les recommandations actuelles sont des tailles de dent avec un disque monté sur un micromoteur, c'est à dire qu'on scie les incisives. Cela permet d'éviter le risque de lésion sur les racines dentaires. Cet acte recquiert généralement une anesthésie afin de limiter les risques de blessure avec la scie et le stress pour l'animal.
Concernant les solutions définitives, une extraction des incisives est possibles chez le lapin et le cobaye.
Cela handicape peu l'animal car la fonction de ces dents est d'arracher les brins d'herbe, ce qui n'est pas nécessaire en captivité. Vous aurez juste besoin de couper la verdure en morceaux grossiers. Quant à l'opération, elle peut être réalisée par un vétérinaire spécialisé. Cela se déroule sous anesthésie injectable et anesthésie locale des nerfs commandant la sensibilité de ces dents. Le risque anesthésique est généralement assez faible car ce sont de jeunes animaux.
crâne de lapin : notez la longueur des racines des incisives !
Chez les petits rongeurs, l'extraction n'est pas recommandée en raison de la profondeur des racines et de leur petite taille. Le risque de fracture de la mâchoire est majeur lors de cette intervention. Pour eux, la coupe régulière chez votre vétérinaire est la solution recommandée actuellement.
